J'ai l'envie d'écrire un livre sur notre histoire rocambolesque dans la recherche de notre ferme.
Maintenant que nous avons trouvé notre lieu, je peux enfin faire une petite rétrospection et expliquer pourquoi ça a été si long.
Il y a 4 ans, nous avons réfléchi à ce que nous souhaitions. Cultiver la terre. Mais pour ça il nous fallait un lieu, des terres agricoles. Pas de soucis, il y a tellement d'agriculteurs qui partent à la retraite, les campagnes se désertifient, ça va être facile.
On s'est d'abord mis à rêver en regardant les annonces sur le bon coin, les sites des agences immobilières, la safer, Terre de Liens ...Puis on a fait un petit dépliant pour présenter ce qu'on souhaitait :
2 hectares de terre avec possibilité de loger sur place (bati existant ou non), de l'eau (une source, puits, borne d'irrigation), terrain plutôt plat. Dans tout le sud ouest.
Avec un budget de 200 000 euros. Qu'on n'avait pas. On ne trouvait pas ça si exigeant comme recherche.
Bah en fait si, ça ne se trouve pas vraiment. Même avec un diplôme agricole (BPREA) qui nous donne la capacité agricole pour accéder plus facilement à des terres.
C'était nous en 2019, l'année où on a décidé de s'installer en agricole. Cette année là, on a passé 6 mois chez un ami maraicher et on a décidé d'enclencher par la suite 1 an d'études agricoles.
En 4 ans, on a visité 1 ferme avec la Safer. Un lieu sans eau, avec de l'ombre la moitié de la journée, et clairement un bien dont personne ne souhaitait.
Un jour, on a visité une ferme par le bouche à oreille mais le compromis venait d'être signé par quelqu'un d'autre, une personne qui n'était pas dans le milieu agricole. On a souhaité préempté. On s'est vite rendue compte que ça ne serait pas possible après notre rdv avec la Safer. La ferme vendue à 230 000 € par l'agence immobilière passait à 300 000 € pour frais de dossier et TVA....
Combien de fois ai-je demandé aux agents immobiliers avant d'aller voir le lieu "Il y a de l'eau ?" Oui oui. Et bien, non. On a visité plus de 60 fermes donc au fur et à mesure, on ne se déplaçait plus pour rien. Marre d'être déçus, de faire tant de kilomètres pour rien. Et puis d'autres fois, par désespoir, on allait quand même visiter des lieux sans eau et avec moins d'1 hectare. Autant dire qu'on n'aurait pas pu faire nos 2 activités avec si peu de terre.
En 2018, on a fait notre tour de France des fermes. Une année de Wwoofing à travailler avec des paysans pour découvrir ce qu'on voulait faire de notre envie profonde de cultiver.
J'en ai voulu aux gens avec des chevaux, qui avaient beaucoup d'argent pour acheter ce qu'on recherchait.
J'en ai voulu aux vieux qui laissent pourrir des fermes pour les revendre un jour à prix d'or.
J'en ai voulu à beaucoup.
Pardon. je ne vous hais plus (et ça vous fait une belle jambe j'imagine)
On nous a souvent proposé de rejoindre un collectif. ça aurait pu être la solution. Mais pas pour moi. Parfois, j'essayais de me remettre en question et on allait quand même à la rencontre de gens qui nous sollicitait. Mais non, mon coeur ne s'ouvrait pas.
Au fur et à mesure, on a compris qu'on était face à plus grand que nous.
Des terres qui partent à l'agrandissement avant même qu'on soit au courant de leur existence. Mais pourquoi ? la réponse est dans la PAC. Plus un agriculteur a de terres, plus il a d'aides. On est donc dans la course à l'hectare.
C'est en faisant le tour des mairies pour leur demander des terres qu'on a compris l'ampleur du problème.
En juin 2020, on arrive à la Ferme de la Borie Haute au Vigan - juste pour remplacer la maraichère Fanny en congé maternité. On y est encore !
ça aura été notre ferme pendant 3 ans, en attendant de trouver notre petit coin de paradis à nous.
Il y a quelques semaines, je me suis retrouvée face à une représentante régionale du plus grand syndicat agricole en France (la FNSEA) qui a dit qu'il n'y avait aucun problème pour trouver du foncier en France, c'était le cas il y a 20 ans, mais plus maintenant. Après avoir raconté mon histoire sur notre recherche à la préfète. Je me suis dit "Elle a fumé ?". Et bien non, on vit dans deux mondes différents. C'est tout.
Je ne suis pas issue du milieu agricole (NIMA), je suis aussi HCF pour la chambre d'agriculture "Hors Cadre Familial". Discrimination évidente à mes yeux. Même si ça me donne droit à plus d'aides. Mais ça me fait une belle jambe si je ne peux pas avoir de terres pour exercer mon métier.
Je décide quand même, sans terres, de créer mon entreprise agricole et je vends mes premiers plants en mai 2021. Totalement bancal comme situation. Je me sens régulièrement vulnérable dans ce que j'entreprends mais manifestement, j'ai trop envie de faire ce métier.
Le pole Installation de la chambre d'Agriculture du Lot m'avait dit lors du premier rdv "Vous avez du foncier?" Non....mais justement vous pourriez peut être m'aider. "Vous ne trouverez pas". Merci. Au revoir. Je n'aurais eu qu'un rdv avec eux.
A l'heure d'aujourd'hui, en étant assujetti à la TVA, je paye une taxe chaque année pour participer au développement agricole et rural. La majorité va aux chambres d'agriculture....à ceux qui ne m'ont pas aidé. Chouette !
Une toute petite partie va aux Adear (Association qui participe au développement de l'agriculture paysanne). Alors que j'ai passé tellement de rendez-vous, d'heures et d'heures avec eux pour qu'ils m'aident à m'installer. Si j'en suis là aujourd'hui, à ne pas avoir baissé les bras, c'est grâce à eux. Et pourtant, ils sont en grande difficulté financière faute de subventions suffisantes.
Ah oui, j'entends parfois que plus personne ne veut faire de l'agriculture.
Je ne suis pas un cas isolée.
Il y a TELLEMENT de porteur.ses de projet qui sont formés, qui ont fait du salariat agricoles, qui ont les compétences et qui abandonnent faute d'avoir trouvé leur ferme.
J'en ai croisé tellement. Ils existent mais ils sont non accompagnés et invisibilisés.
La moitié des agriculteurs partiront à la retraite dans moins de 10 ans. Quand est-ce que l'installation ne sera plus un parcours du combattant ?
Pour aller plus loin sur cette thématique de l'installation agricole :
HAPPY END
Le 5 avril, on a les clés de NOTRE ferme.
Le début d'une nouvelle histoire
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